L’art de dévaster les apparences.

Par Christian Noorbergen 2017

Les repères ont disparu, l’espace est défiguré dans ses hauts-fonds et dans ses bas-fonds, aux devants et dans ses lointains.

La figuration est explosive, on y perd pieds et regards, on s’abandonne aux décollages du réel, aux délires de l’extase visuelle.

Jim Delarge met l’espace en folie, et le sens en déroute.

Chute dans un cube d’inventions tous azimuts.

Jim Delarge tord le cou à tout ce qui passe. Parasitage drôlatique et scabreux du trop-plein de visible. Art à haut risque avec pudeur et réserve, créant une insidieuse contagion, une séduction vénéneuse.

Tous ces éléments d’art aigus, contradictoires et accidentés, corrodent en glacis la surface de l’œuvre, et brûlent les éléments épars d’un charme âpre, subtilement pervers, comme un mortel parfum d’amour dévastant le labyrinthe.

D’énigmatiques passerelles entre fantasme et réalités.

La figuration que Jim Delarge instaure n’est pas de l’ordre du jaillissement, ni de l’exacerbation, ni de la boulimie destructrice. Son écriture n’est pas fondamentalement sauvage. C’est plus fort que cela. La dissonance devient clé d’intime déstructuration. Jim Delarge défigure en profondeur, et de l’intérieur, la figure normée et la trame de l’étendue. De manière indirecte et piégée.

Bref, il fout en l’air, mine de rien, ce qui constitue le socle de nos évidences.
Ses apparences lissées ne sont que leurres prodigieux.

Jim Delarge invente d’énigmatiques passerelles entre le trop-net et le fou, entre le fantasme et le réel.

“L’art n’est pas tant dans l’art, à mon sens, mais à la fois dans la nature vaste, ou dans son souvenir hallucinatoire, quand celle-ci fait défaut“, dit cet étrange animal créateur.

Il faut se perdre dans l’absolu de cet indéfini.

“C’est une façon de voyager en soi aussi. C’est si bien de se déplacer à l’intérieur“, dit ce voyageur des extrêmes.

Les crocs sont là, ils ne lâcheront plus. Il n’y a plus qu’à se jeter, à corps perdu, dans les faux-accords et dans l’eau-de-vie d’ailleurs. L’impensable a parasité les possibles du pensé.

L’impossible est bien là, qui attend de pied ferme, fatal, subtilement terrifiant, à découvert, et déjà maculé d’ironie et de désespoir.

Mais Jim Delarge secoue les ressorts cachés de la création. Dans cette vie qui s’agite au fond de nos certitudes, les corps reconstitués ont succombé au poids des conventions.

Ici, on secoue. On éveille. On oxygène. “On fait rutiler le chaos“.

Bousculé d’altérité, Jim Delarge est un capteur d’outre énergie. Il désosse les attendus de l’art. Michaux l’aurait bien aimé.

Ici des paysages en apesanteur, un rien sidérants et sidéraux, des nappes phréatiques du mental souterrain, des presque déserts à la Tanguy, et de l’inextricable à peine dénoué. Leurs titres au petit bonheur ont les vertus des boules puantes dans les vernissages …
Jim Delarge suit au plus près les désastres du monde, ne reste jamais dans la sieste de l’intime, ni dans le confort narcissique. Il affronte à vif les affres du présent. Il n’est pas rare de voir surgir dans les étendues onctueuses et glacées de ses miroirs d’humanité, l’horreur logotypée des signes “daeshiens” côtoyant nos “petits coeurs de bisounours”.

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